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Et si se tromper faisait mieux apprendre ? La place de l’erreur dans les apprentissages en maternelle et en primaire
Dans les écoles maternelles et primaires, l’erreur est souvent perçue comme un échec à corriger. Pourtant, les recherches en pédagogie montrent qu’elle joue un rôle central dans l’apprentissage. Comprendre pourquoi un élève se trompe permet non seulement de mieux l’accompagner, mais aussi de renforcer sa confiance et ses compétences. Cet article propose une réflexion approfondie sur la place de l’erreur dans les apprentissages, en s’appuyant sur les apports de la recherche et sur les pratiques de classe.
L’erreur : un indicateur de pensée en mouvement
À l’école, l’erreur reste souvent un sujet sensible. Dès les premières années de scolarité, elle est perçue, parfois inconsciemment, comme un signe d’échec. Pourtant, depuis plusieurs décennies, les chercheurs en sciences de l’éducation et en psychologie du développement nous invitent à changer de regard : se tromper n’est pas seulement inévitable, c’est souvent indispensable.
Dans les classes de maternelle et de primaire, l’erreur peut devenir un véritable outil pédagogique, à condition de ne pas la considérer comme un simple accident de parcours. Elle est une manifestation visible de la pensée en construction, un moment où l’élève essaie, ajuste, généralise, se questionne. En d’autres termes, une erreur est bien souvent la trace d’une démarche intellectuelle active.
Un changement de posture pédagogique
Prenons l’exemple d’un enfant qui écrit "chéval" au lieu de "cheval". Ce n’est pas une faute anodine, mais le signe qu’il applique une règle phonétique, peut-être même qu’il cherche à transcrire fidèlement ce qu’il entend. Ce genre d’erreur montre que l’élève tente de comprendre et de structurer les savoirs. Ce sont précisément ces tentatives qu’il est intéressant d’observer, car elles permettent à l’enseignant de mieux saisir les représentations que l’enfant se construit.
Mais tout cela suppose un changement de posture. Pour que l’erreur prenne sa juste place dans les apprentissages, encore faut-il qu’elle ne soit pas systématiquement sanctionnée ou effacée trop vite. Si l’enfant associe l’erreur à une forme d’humiliation ou de réprobation, il cherchera à l’éviter à tout prix, souvent au détriment de sa prise d’initiative ou de son autonomie. À l’inverse, un climat bienveillant, où l’on valorise les essais et les hypothèses, encourage les élèves à s’engager pleinement dans leurs apprentissages.
Comprendre l’erreur pour mieux accompagner
Cela ne signifie pas qu’il faille banaliser l’erreur ou renoncer à toute exigence. Le rôle de l’enseignant est justement d’accompagner l’élève pour comprendre d’où vient l’erreur, pourquoi elle a été faite, et comment on peut la dépasser. Ce travail d’analyse peut se faire collectivement, à l’oral, notamment en maternelle, ou lors de moments de correction guidée en primaire. Ce qui compte, ce n’est pas simplement de corriger, mais d’apprendre à comprendre ce qui a été mal compris.
Ce rapport à l’erreur peut d’ailleurs se construire dès la petite section. Les enfants s’expriment, essaient des mots, formulent des idées encore floues. L’adulte, dans ces situations, a un rôle d’étayage : il reformule, soutient, encourage la verbalisation. Plus tard, à l’école élémentaire, cette posture évolue, mais le principe reste le même : faire de l’erreur un levier, et non un frein.
L’erreur dans les programmes scolaires
La recherche en éducation confirme l’importance de cette approche. Jean-Pierre Astolfi, dans ses travaux sur la didactique des sciences, insiste sur l’intérêt de l’erreur comme point d’appui pour l’apprentissage. Il ne s’agit pas de la gommer, mais de la comprendre, de l’expliquer. D’autres chercheurs, comme Piaget ou Vygotski, ont montré que c’est souvent par essais et ajustements que l’enfant construit ses savoirs.
Il faut également souligner que les programmes officiels, en particulier ceux de l’école primaire, insistent sur l’importance pour les élèves d’apprendre à identifier leurs erreurs et à les utiliser pour progresser. Cette compétence métacognitive, encore peu développée dans les premières années de la scolarité, peut pourtant faire une réelle différence dans la manière dont un enfant aborde les savoirs et construit sa confiance en lui.
Une culture partagée entre école et famille
La représentation de l’erreur ne se joue pas uniquement en classe. Les familles ont parfois du mal à accepter que leur enfant se trompe. Certains parents associent encore l’erreur à un manque de travail ou de concentration. Impliquer les familles dans cette réflexion est donc essentiel, afin de construire une vision commune et apaisée de l’apprentissage.
Un échange régulier avec les parents, notamment à travers les cahiers, les réunions ou les entretiens individuels, peut contribuer à faire évoluer les représentations. Cela permet aussi d’encourager l’enfant à assumer ses erreurs comme des étapes naturelles de son cheminement scolaire.
Conclusion : l’erreur comme levier d’autonomie
Apprendre, c’est forcément tâtonner. C’est avancer, reculer, se questionner. Dans cette dynamique, l’erreur n’est pas l’ennemie de la réussite, mais sa condition. C’est peut-être en acceptant pleinement cette idée que l’école pourra accompagner chaque élève dans un parcours plus serein, plus autonome et plus durable.
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